L’un conserve, restaure et entretient les monuments nationaux placés sous sa responsabilité, l’autre pourvoit à l’ameublement des palais officiels de la République et des résidences présidentielles : le Centre des monuments nationaux et le Mobilier national avaient vocation à se rapprocher. Entre les deux institutions, des habitudes de travail ont d’ailleurs été prises bien avant l’officialisation des relations. « Par le passé, nous sommes ponctuellement intervenus lors de remeublements aux châteaux de Fougères, Talcy, Villeneuve-Lembron ou encore Chaumont-sur-Loire » indique Jean-Jacques Gautier, Inspecteur des collections au Mobilier national.
En 2014, dans le cadre d’un partenariat concernant le remeublement de certains monuments nationaux, cette collaboration a pris une nouvelle dimension. Elle ne pouvait pas trouver plus beau théâtre d’intervention que celui du château d’Azay-le-Rideau dont la restauration venait alors de commencer. « Il s’agissait de réaménager les appartements du rez-de-chaussée tels qu’ils étaient au 19ème siècle. À l’époque, le château appartenait à la famille des Marquis de Biencourt qui l’a entièrement remeublé en gardant le style de la renaissance revisité selon le confort du 19ème siècle » indique Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux.
Le Centre des monuments nationaux a commencé par acquérir un certain nombre d’objets ayant appartenu aux Marquis de Biencourt, notamment des pièces en faïence, de l’argenterie, des tableaux et des sculptures provenant de leurs collections. Puis il a fourni au Mobilier national l’ensemble des éléments scientifiques – inventaires de 1854 et 1898, photographies datant de l’extrême fin du 19ème siècle, documents de ventes…– lui permettant d’entreprendre des recherches et de trouver des meubles équivalents dans ses réserves.
« Quand une institution fait appel au Mobilier national, c’est pour trouver des équivalences qui rendent plus crédible la lecture des réaménagements d’une demeure à une date donnée. Le Mobilier national étant l’héritier des garde-meubles royaux et impériaux, ses collections, hors cas exceptionnels de certains biens d’origine privée, sont essentiellement constituées de commandes d’État, d’où la recherche d’équivalences. Dans le cas du château d’Azay-le-Rideau, l’existence d’un fonds préalable légitimait la recherche de compléments. L’apport de la direction des collections du Mobilier national a consisté à faire parler les documents d’archives afin de trouver les objets les plus proches parmi les ameublements concernés » explique Jean-Jacques Gautier.
« C’est une opération positive à tous égards : le public aime les appartements richement meublés et grâce à la qualité du travail du Mobilier national, les meubles et la disposition qu’il découvre sont très proches de l’état d’origine » se félicite Philippe Bélaval. Après le salon et le billard, la salle à manger et la bibliothèque ont tour à tour été présentées au public cet été, précédant en cela de quelques mois l’achèvement complet du chantier de restauration. « Remise en état du rez-de-chaussée tel qu’il était au 19ème siècle, intervention dans l’esprit de la renaissance au premier étage, restauration du parc, création d’un centre d’interprétation dans lequel seront utilisées les technologies numériques dans le pressoir… le monument va réunir des styles et des savoir-faire de tous les siècles ».
Autre opération, dans un registre différent, la présentation en 2016, parallèlement à l’exposition qui lui était consacrée au Centre Pompidou, de meubles et d’objets conçus par Pierre Paulin au fort de Brégançon pour la première fois ouvert au public. « L’empreinte du président Pompidou pour lequel Pierre Paulin, en collaboration avec le Mobilier national, a conçu les célèbres aménagements des appartements privés du Palais de l’Élysée, est encore très prégnante au fort de Brégançon. Le Mobilier national a mis à notre disposition un ensemble de meubles qui ont changé la physionomie du lieu. Cette opération, reconduite cette année, a énormément plu au public » explique Philippe Bélaval.
Enfin, une troisième opération devrait sous peu voir le jour : elle concerne le remeublement des appartements historiques de l’Hôtel de la Marine, soit le siège même de l’ancien garde-meuble de la Couronne dont le Mobilier national est l’héritier, qui doit rouvrir place de la Concorde à la fin de l’année 2019.
« Aujourd’hui, tout le monde comprend qu’il faut créer des synergies. On est beaucoup plus efficace en travaillant à plusieurs. C’est ce que nous essayons de montrer avec le Mobilier national, et il me semble que nous y parvenons avec succès. Je suis persuadé que cela va continuer ». Pour Philippe Bélaval, il ne fait pas l’ombre d’un doute que les deux institutions tirent chacune un grand bénéfice de ce partenariat. « Des meubles non seulement sortent des réserves et sont restaurés – ce qui donne lieu à une réflexion commune profitable au restaurateur et au scientifique responsable des collections dans les bâtiments concernés – mais sont aussi présentés au public qui en tant que contribuable est récompensé de l’entretien de ces châteaux » lui répond en écho Jean-Jacques Gautier.
Le site du Centre des monuments national (CMN)
Le site du château d'Azay-le-Rideau