HENRI MATISSE (1869-1954)
La Femme au luth
1947-1949
Manufacture des Gobelins
Laine
H : 1,70 m, l : 2,13 m
GOB 899
Tisser les Modernes, de la figuration à l’abstraction.
Dès les années 1930, des artistes s’efforcent de donner un second souffle à l’art de la tapisserie en créant des œuvres qui dès le départ sont pensées en fonction des contraintes inhérentes à cette technique : simplification des formes, réduction du nombre de couleurs, tissage plus gros pour faire ressortir les contrastes. Cette « rénovation », amorcée par Jean Lurçat entre autres, est poursuivie après-guerre par les tenants de l’avant-garde moderne, Henri Matisse, Fernand Léger, Joan Miro. Selon les propres mots de Le Corbusier, la tapisserie devient « le mural des temps modernes »
Pour ce faire, l’Administrateur général du Mobilier national, Jean Coural, épaulé par Pierre Baudoin au titre de conseiller artistique, et vivement encouragé par André Malraux, ministre des Affaires culturelles, crée un atelier d’essai dont le but est de tisser des cartons « demandés à des peintres absolument en dehors d’une tradition académique ».
Choisi par ces derniers, Henri Matisse, pour la réalisation de cette tapisserie, n’a pas fourni pour modèle le tableau même (actuellement conservé dans une collection privée japonaise), réalisé en 1943, mais une reproduction en couleur parue dans revue Verve. Cette photographie a été grandie et retravaillée par l’artiste. La démarche audacieuse de remplacer un modèle peint par un agrandissement photographique a connu par la suite une grande postérité. Matisse modifie plusieurs éléments de la composition d’origine : deux bandes verticales à croisillons du papier peint sont remplacées par des motifs végétaux ; le motif rond du tapis devient une arabesque continue. Il ajoute également une bordure à entrelacs, qui n’est pas sans rappeler les cadres des tapisseries anciennes. Autre indice rappelant les tapisseries médiévales, le thème de la musique qui fait écho à la célèbre tapisserie de la Dame à la Licorne que l’artiste avait pu voir lors de l’exposition « Tapisserie française du Moyen-âge à nos jours » de 1946.