Après la crise, le rôle essentiel des Métiers d'Art et du Design
Le Mobilier national se mobilise et annonce ses mesures de soutien
Le Mobilier national et ses manufactures de prestige créent depuis le XVIIe siècle tapisseries, tapis et mobilier qui témoignent de l’excellence des métiers d’art français. Service du Ministère de la Culture, il a aussi pour mission la conservation et la restauration de ses collections, missions que ses ateliers relèvent en mobilisant des savoir-faire d’exception. Le Mobilier national est au cœur d’un écosystème réunissant près de 500 partenaires – artisans d’art, fabricants, éditeurs, designers, créateurs, architectes d’intérieur -, écosystème particulièrement menacé par la crise.
Cette crise menace des métiers d’art et du design qui constituent pourtant de puissants atouts sur le plan économique, culturel et social.
- ENCOURAGER les femmes et les hommes détenteurs de savoir-faire essentiels à la transmission de notre patrimoine immatériel inestimable
- PRÉSERVER des métiers manuels d’exception, porteurs de valeurs particulièrement recherchées en temps de crise, lorsque les individus songent à donner plus de sens à leur activité professionnelle.
- SE DONNER LES MOYENS de cette transmission et du développement d’un secteur d’avenir, créateur d’emplois en France et d’un rayonnement à l’international de nos talents.
- AIDER une génération de designers à penser « le monde d’après » et à anticiper nos usages dans tous les champs sociaux (espace public, transports, hôpitaux…).
Le Mobilier national a souhaité bien sûr, contribuer, à sa mesure, à l’effort de la Nation pour soutenir le personnel médical de nos hôpitaux. Après la crise, il entend aussi renforcer ses missions aux côtés des professionnels des métiers d’art et du design qui ont un rôle essentiel dans la société de demain.
TROIS LEVIERS VONT ÊTRE ACTIONNÉS et 450 000 EUROS VONT ÊTRE SPÉCIFIQUEMENT ENGAGÉS À CET EFFET :
1/ SOUTIEN AUX HOPITAUX : une vente inédite du mobilier sorti du domaine public pour mettre le design au service des nouveaux usages dans les structures de soin.
Après avoir livré près de 8000 masques aux hôpitaux de Paris, Montpellier et Beauvais, le Mobilier national annonce l’organisation d’une vente aux enchères inédite de ses collections sorties du domaine public. L’institution peut en effet « aliéner » du mobilier dont la valeur patrimoniale est limitée, sur proposition d’une commission garante de la pertinence des choix opérés. Cette vente exceptionnelle de mobiliers « déclassés » aura lieu à l’automne.
Le Mobilier national souhaite inscrire ce projet dans une stratégie globale de soutien aux designers, au service des hôpitaux. En partenariat avec la Fondation de l’AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), notre institution va identifier les besoins très concrets qui ont émergé durant la crise sanitaire, en écoutant les soignants, les usagers de ses services. Grâce au talent des designers l’expression de ces besoins sera convertie en projet, pour, par exemple, repenser certains espaces ou certains usages.
La somme récoltée lors de la vente aux enchères, servira à financer ce projet : mobiliser les designers au moyen d’un appel à idées pour mettre à l’étude et concevoir un projet, anticiper nos modes de vie dans « le monde d’après », en repensant nos usages et notamment les structures de soin et de santé. Le Mobilier National a toujours été un acteur engagé au service du public, en phase avec son époque. Notre Atelier de Recherche et de Création s’est toujours investi sur ces enjeux avec des designers de renom qui ont conçu des projets très intéressants comme des lits d’hôpitaux, avec Alain Richard dans les années 1970, des berceaux pour des services pédiatriques, ou bien encore des blocs sanitaires, avec par exemple le projet de Bernard Moïse.
2/ SOUTIEN AUX ARTISTES ET DESIGNERS
Conformément à ses missions de soutien à la création, Le Mobilier national annonce qu’une enveloppe exceptionnelle de 250 000 euros sera spécialement affectée pour le soutien à la création et l’enrichissement de ses collections.
Le Mobilier national réunira dès la fin du confinement une commission d’acquisition exceptionnelle. Cette commission aura pour ambition d’acquérir des œuvres d’artistes et de designers de la scène française : cartons de tapisserie, plans et maquettes de projet de design mobilier. Ces œuvres ont vocation à être prototypées au sein de l'Atelier de Recherche et de Création du Mobilier national ou tissées dans nos manufactures des Gobelins, Beauvais ou de la Savonnerie. Ces œuvres réalisées au sein de nos ateliers entreront directement dans les collections du Mobilier national.
Par ailleurs, pour soutenir les créateurs, le Mobilier national annonce qu’une enveloppe exceptionnelle sera spécialement affectée pour l’acquisition de pièces de mobiliers de designers contemporaines auprès d’éditeurs et de galeries françaises. Ces œuvres acquises entreront directement dans les collections du Mobilier national.
Enfin, le Mobilier national annonce que les « royalties » obtenues en 2020 par la commercialisation de meubles édités en lien avec l'Atelier de Recherche et de Création seront intégralement réinvesties en faveur de la jeune garde du design d’expérience. Dans le cadre du « Campus métiers d’art et design, Manufactures des Gobelins, Paris », en lien avec le Rectorat de Paris, la jeune garde du design sera soutenue pour s’adapter mais aussi anticiper les mutations actuelles et futures de nos usages.
3/ SOUTIEN À LA FILIÈRE ARTISANAT ET MÉTIERS D’ART
Conformément à ses missions, et afin d’aider les artisans, professionnels des métiers d’art et du patrimoine vivant impactés par le Covid-19, le Mobilier national annonce :
- La mise en œuvre exceptionnelle d’un plan de restauration de pièces de sa collection de mobiliers des années 1930 à 1950, la première de France. Le Mobilier national mobilise ainsi 150 000 euros pour cette restauration inédite de pièces de ses collections, sous le contrôle de son inspection des collections et de son service des travaux. Cette campagne de restauration inédite sera confiée aux artisans (ébénistes, menuisiers en siège, tapissiers en siège, doreurs, bronziers, lustriers, horloger, restaurateurs textile…) qui maillent le territoire français. Le Mobilier national double ainsi ses commandes à son réseau de sous -traitants dont les savoir-faire doivent être soutenus et encouragés, notamment ceux bénéficiant du dispositif « Maître d’Art » en concertation avec l'Institut National des Métiers d'art.
- Un plan d'action de 50 000 euros pour la relocalisation de l'achat de matière première et l’aide au développement des circuits courts - la laine, le lin, la soie -, en développant une production de tapisserie et de tapis qui intègre progressivement des laines venant des troupeaux français.
Hervé Lemoine, lors d'une interview pour la version digitale du Fuorisalone de Milan 2020 qui se tient du 21 au 2- juin 2020, revient sur les annonces d'avril dernier et réaffirme sa volonté de soutenir les métiers d'art et la création par des campagnes d'achats de mobiliers et de projets de designers contemporains, ainsi que par le lancement d'un grand chantier de restauration des collections des années 1930 et 1950.
Pour regarder l'interview, rendez vous à cette page.
Hervé Lemoine, lors d'une interview pour la version digitale du Fuorisalone de Milan 2020 (21-26 juin), revient sur les annonces d'avril dernier et réaffirme sa volonté de soutenir les métiers d'art et la création par des campagnes d'achats de mobiliers et de projets de designers contemporains, ainsi que par le lancement d'un grand plan de restauration de pièces de collection de mobilier des années 1930 à 1950.
Pour regarder l'interview, rendez vous à cette page.
Hervé Lemoine, Directeur du Mobilier national, répond aux interrogations soulevées par la vente aux enchères exceptionnelle au bénéfice de la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France.
1/ Quand la liste sera-t-elle arrêtée ?
La vente aura lieu à l'automne. D'ici là, une liste sera arrêtée en suivant un processus établi très strict. Il faut savoir en effet que les objets sont classés en trois catégories : les biens patrimoniaux, les biens de valeur, et ceux d’usage. Seuls ceux appartenant à la dernière catégorie peuvent être vendus, après une procédure très encadrée. L’inspecteur des collections (c’est-à-dire le conservateur en charge) choisit les meubles qui, à son sens, peuvent être cédés sans aucune conséquence patrimoniale. Puis, une commission interne scientifique, dite de « désherbage » (le terme est emprunté à la gestion des bibliothèques), examine chaque meuble. Composée de l’ensemble des inspecteurs (des scientifiques donc) et du directeur ou du directeur des collections, ils décident si chaque objet peut effectivement être vendu sans risque. La décision doit être prise à l’unanimité, il suffit d’une voix qui s’y oppose, pour que le meuble ne soit pas vendu. Enfin, une troisième commission, dite de contrôle, purement administrative doit encore donner son aval.
2 / A quand remonte une vente aussi importante ?
Depuis le XIXe siècle, le Mobilier national met très régulièrement en vente des biens qui n’ont plus d’utilité pour l’ameublement des édifices publics et dont la valeur patrimoniale ne justifie pas le dépôt dans des musées ou des monuments historiques. Jusqu’ici, ces ventes étaient effectuées sans publicité médiatique : les meubles étaient vendus par les Domaines sans même faire mention du Mobilier national. Les ventes précédentes ont lieu à un rythme réguliers, notamment dans les années 1990, 2000, 2010. Certaines années, il a pu s'organiser jusqu'à deux ventes par an. Le fruit de cette vente était versé aux Domaines.
La dernière vente importante a eu lieu en juin 2011 avec des meubles et des sièges du 19e et du 20e de style et quelques tapis.
C'est dans cette vente que se trouvaient les commodes Empire en mauvais état, parties à 50 euros.
La dernière vente s'est tenue en mars 2018.
3/ Les objets prévus à la vente sont-ils déjà tous déclassés ou certains subiront-ils un déclassement en vue de cette vente ?
Soyons très clairs : aucune pièce ne sera déclassée pour la vente. C'est parce qu'ils ont été déclassés que nous les vendons. ET non le contraire ! Il n’y aura donc aucun trésor, aucune pièce majeure de mobilier dans cette vente. Pour reprendre la terminologie des commissaires-priseurs, il s’agira de pièces courantes. Leur seule particularité sera d’avoir servi à meubler des bâtiments officiels et certains de nos palais nationaux. Mais même dans nos palais nationaux, il y a des communs... et des meubles ordinaires.
Ceux-ci sont inscrits sur l’inventaire B du Mobilier national pour les distinguer de l’inventaire A, qui identifie les pièces importantes ou intéressantes. Cependant, afin d’être certain de ne pas commettre d’impairs nous avons décidé qu’une commission interne réunissant tous les scientifiques de l’établissement, inspecteurs des collections et conservateurs du patrimoine, se réunirait pour décider de la liste des biens aliénables du domaine public. Un seul vote contre et le doute bénéficie toujours à l’objet.
4/ Pourquoi s’agira-t-il plus particulièrement de meubles du XIXe siècle ?
Les ventes porteront pour l’essentiel sur des meubles du XIXe siècle, parce que c’est l’époque où le Mobilier national était chargé de meubler un très grand nombre de logements dans les résidences officielles ; il effectuait dans ce but des achats massifs de meubles fabriqués en grande série : bois de lit, commodes, armoires, tables de toilette, etc.
Ces aliénations sont nécessaires pour nous pour au moins deux raisons : la première pour moi est qu’elles vont nous permettre de mieux séparer, pardon de la trivialité de ma comparaison, le bon grain de l’ivraie. Dans nos dépôts, nous conservons dans les mêmes conditions des chefs-d’œuvre et des armoires de guingois. Il convient donc de mieux identifier ces pièces vraiment importantes pour mieux les protéger, les identifier et, c’est d’ailleurs ce que nous nous apprêtions à faire au moment du déclenchement de la crise, en restituant un grand nombre de meubles – près de 1.000 pièces – à Versailles et à Fontainebleau. L’autre raison est que l’inflation non maîtrisée du volume de notre collection a eu pour conséquences que nous n’avons pas cessé d’augmenter nos locaux et dépôts annexes. Aujourd’hui, près de 30% de notre budget est absorbé par la location de ces espaces au détriment des restaurations ou des acquisitions de pièces remarquables. Dans un horizon proche, grâce à un investissement conséquent du Ministère de la culture, nous disposerons de nouveaux locaux de conservation à Pantin avec le CNAP. Mais avant cela je souhaite, avec Thierry Sarmant, le directeur des collections, que nous puissions aussi procéder à un récolement complet et à un grand « chantier des collections » – ce qui n’a jamais été fait – et ce « désherbage » est donc une première étape.
5/ Qui est à l’initiative de cette vente de biens du Mobilier national au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France ?
C'est le Mobilier national qui a porté cette initiative. Le rôle du Mobilier national n’est pas uniquement d’être un Gardien du Temple. Notre institution n’a jamais cessé de se renouveler, et nous devons, plus que jamais, être aux côtés de celles et ceux qui sont mobilisés dans la crise sanitaire ou qui en subissent les conséquences. Alors que nous avons tous été amenés à nous interroger et à nous remettre en question, il nous semble, plus que jamais, que le Mobilier national, les métiers et les valeurs qu'il représente, doit être un acteur de la reconstruction de notre modèle social ».
Nous avons proposé le principe d'une vente médiatisée à la manière des ventes de mobilier d’hôtel, ou des actions de solidarité. Pour ce type de ventes au profit de telle ou telle cause, c’est plus la cause qui importe alors que le bien acquis. Beaucoup seront prêts à donner plus que la valeur réelle des biens pour aider cette Fondation dans les circonstances que nous connaissons.
Cette vente est le prolongement de notre action de solidarité envers les soignants, comme nous l’avons fait en donnant 8 000 masques à l’Agence régionale de santé et à l’hôpital de la Salpêtrière.
Le Mobilier national est en discussion avec la Fondation et notamment sa Directrice générale, Mme Danuta Pieter, sur la définition précise du projet que nous porterons ensemble Cette action s'inscrit aussi dans notre plan de soutien à la jeune garde du design français dont nous souhaitons qu'elle puisse être bien intégrée aux réflexions futures concernant le design d'espace au sein des hôpitaux. Il s'agit de permettre aux designers de mieux anticiper nos modes de vie dans « le monde d’après », en repensant nos usages dans tous les champs sociaux et notamment les structures de soin et de santé, pour s’adapter mais aussi anticiper les mutations actuelles et futures de nos usages.